« C’EST AU MONT-PARNASSE, UNE FOLLE BARRIÈRE. »
Esquiros, 1848
Montparnasse est une vielle histoire où la légende a modelé la destinée de la République des Arts et des Lettres. Au temps de François Villon, de la Renaissance, de la Pléiade, d’Henri IV et de la Fronde, les « Escholiers » de la Sorbonne et du Quartier Latin venaient déclamer des poèmes, y bretter et y lutiner la gente féminine. Inspirés, ils le baptisèrent le Mont Parnasse.
Il s’agit d’une référence associative qui se rapporte à des formes pré-esthétiques du théâtre, lesquelles trouvaient leur perfectionnement esthétique au Mont Parnasse de la Grèce continentale.
Il devint au fils des siècles, le Nombril de l’Univers.
En Grèce, c’est la plus haute montagne de la Phocide qui culmine à 2536 mètres d’altitude. Elle a deux sommets fameux: l’un était dédié à Apollon et l’autre à Dionysos. Entre les deux sommets naît la fontaine de Castalie, la source inspiratrice par excellence. Les anciens l’imaginaient au centre du monde.
Ce divin paysage naturel était destiné pour devenir le berceau du théâtre dont l’histoire commence par le culte de Dionysos.
Etant donné que le théâtre accomplit la sociabilité universelle il fut l’unique moyen d’exprimer le culte religieux, car son origine remonte à la naissance de la crainte métaphysique et religieuse.
Le culte dionysiaque est une extériorisation de besoin biologique de l’homme pourvue qu’il dégage son énergie et qu’il soit bien discipliné à son instinct imitatif.
Dionysos (Bacchus), fils de Zeus, avait été démembré par les Titanes et puis ressuscité par son père. En ressortant d’Aèdes, poussé par un désir ardent de revivre, il éclate en une frénésie que seulement la discipline du rythme pouvait calmer. Cette frénésie, cette extase, cette manie (ménade, bacchante) représentent la partie prépondérante de l’ancienne religion grecque.
Le culte bachique était consolidé en Grèce pendant des siècles. Les «Bacchanales», modifiées au cours des années, ont fini par donner la forme développée de la tragédie classique du 5ème siècle.
Au culte du Mont Parnasse est lié aussi le nom de dieu Apollon. Depuis sa naissance, il avait décidé de fonder un oracle, le premier au monde, pour déclarer la volonté de son père, Zeus. Après plusieurs péripéties, afin de trouver l’endroit qui conviendrait à son rêve religieux, il s’approche aux rochers abrupts du Mont Parnasse. Arrivé à la fontaine de Castalie, un monstrueux serpent féminin la gardait et dévorait tout être et animal qui passaient par là. Il le frappa à mort d’un coup de flèche. «Pythou!» («Pourris!») lui dit-il. Désormais, Apollon prendra le surnom de «Pythios» et et «Pythie», la prêtresse du temple qu’il a fondé. C’est ici que le nom d’Apollon est devenu chanson chantée par le monde entier.
Nous voyons sur le plan de Boisseau de 1654, un petit mont appelé Le Mont Parnasse ou de La Fronde nous révélant déjà la nature rebelle de la Rive Gauche. A l’heure actuelle, il culmine à 64 mètres. Le plan de Jouvin de Rochefort de 1672, nous montre la butte, des duellistes, des treuils de carriers, un berger et des moutons. A cette époque, Louis XIV avait décidé de détruire l’enceinte de Charles V afin d’embellir Paris. Il agrandit sa bonne ville du Noble Faubourg au Cours du Midy.
Au début XVIIIe, le duc du Maine fit percer l’avenue du même nom, elle était pavée. Cette chaussée permettait au fils de Madame de Montespanet et de Louis XIV de se rendre de son hôtel de la rue de Varenne, l’actuel musée Rodin, au château de Sceaux. La duchesse du Maine y entretenait une cour belle et spirituelle. Elève de La Bruyère, la petite fille du Grand Condé fut la muse de Voltaire; Montesquieu et d’Alembert la courtisèrent. Elle fit le lien entre le Grand Siècle et le Siècle des Lumières. Saint Simon dira de la duchesse : »De l’esprit, elle en avait infiniment. »
Au temps de Louis XVI, il fut décidé d’élever le Mur des Fermiers Généraux, « le mur murant Paris rendit Paris murmurant ». En 1786, la barrière du Montparnasse fut construite à l’emplacement actuel de la station de métro Edgar Quinet et du début de place Ferdinand Brunot. Datant de 1773 et 1786, la rue du Montparnasse a donné sa dénomination à la barrière et à l’ancien Cours du Midy, l’actuel boulevard du Montparnasse. Elle fut à son époque l’entrée du sanctuaire d’Apollon, des Muses et de Dionysos qui menait à la rue de la Joie, la rue de la Gaîté.
Au XIXe siècle, le sanctuaire s’est déplacé à la fois vers la gare Montparnasse, le bal de la Grande Chaumière, la Closerie des Lilas et du Bal Bullier. En 1911, le boulevard Raspail est percé au 109 du boulevard du Montparnasse. Ainsi naquirent les cafés mythiques; le Dôme, la Rotonde, le Select et la Coupole.
Au 21, de l’avenue du Maine est une des nombreuses cités d’artistes de Montparnasse. Elle fut construite avec des matériaux de l’Exposition Universelle de 1900, tout comme la Ruche. Elle se trouve sur des carrières qui remontent à 49 millions d’années. A cette époque une mer chaude recouvrait Paris. Le sable et les coquillages formeront au fil du temps la pierre calcaire.
En 2007, d’autres «coquillages», avec la rencontre du passé, du présent et des mythologies millénaires, revisitées par Niki Papatheochari, ouvre en ce lieu du Mont Parnasse jonché de mémoire artistique, une nouvelle ambition amène : La création d’un lien indélébile entre les artistes grecs et français pour renouer avec les mythes que les artistes du monde entier ont portés et témoignés dans ce quartier au XXème siècle.
Jean Digne, Georges Viaud et Niki Papatheochari